
Perché sur une colline fragile, isolé par l’érosion et accessible uniquement par un pont piétonnier, Civita di Bagnoregio semble défier à la fois le temps et les lois de la gravité. Ce minuscule bourg médiéval du Latium est un témoignage poignant de la beauté éphémère, une vision presque onirique qui a inspiré poètes, cinéastes et voyageurs. Surnommé « la città che muore » (la ville qui meurt) en raison de l’érosion constante qui grignote ses flancs, ce village suspendu entre ciel et terre constitue pourtant l’une des destinations les plus vivantes et mémorables d’Italie.
Civita di Bagnoregio en résumé
Où se trouve Civita di Bagnoregio ?
- Dans la région du Latium, au nord de Rome (environ 1h30 en voiture).
- Proche d’Orvieto, dans la province de Viterbe.
À voir à Civita di Bagnoregio
- Porte Santa Maria : entrée principale du village avec son arche impressionnante.
- Rues pavées et maisons en pierre : ambiance figée dans le temps.
- Piazza San Donato : place centrale avec l’église du même nom.
- Musée géologique : pour comprendre l’érosion et la fragilité du site.
- Vues panoramiques à couper le souffle sur la vallée de Calanchi.
Pourquoi y aller ?
- C’est l’un des villages les plus photogéniques d’Italie.
- L’ambiance y est romantique, paisible et hors du temps.
- Idéal pour une excursion d’une journée depuis Rome ou la Toscane.
Conseils pratiques
- Entrée payante (environ 5 €) pour préserver le site.
- Prévoir de bonnes chaussures : la montée à pied peut être fatigante.
- Meilleurs moments : le matin ou au coucher du soleil, pour la lumière et l’ambiance.
- Restaurants typiques sur place, parfaits pour une pause avec vue.

Un emplacement extraordinaire au cœur de l’Italie
Civita di Bagnoregio se niche dans le nord de la région du Latium, à environ 120 kilomètres au nord de Rome. Cette position géographique privilégiée la place à mi-chemin entre la capitale italienne et les trésors de la Toscane méridionale. Dans la magnifique province de Viterbe, réputée pour ses lacs volcaniques et ses villages médiévaux, Civita occupe une place à part. Non loin se trouve Orvieto, célèbre pour sa cathédrale gothique, formant avec Civita un duo de visites complémentaires dans cette région d’une richesse culturelle exceptionnelle.
Un paysage lunaire façonné par les éléments
Le territoire entourant Civita di Bagnoregio présente un aspect presque lunaire. Ces formations géologiques spectaculaires, connues sous le nom de « calanchi », résultent de siècles d’érosion intense. L’eau de pluie, s’infiltrant dans le sol argileux, creuse progressivement des sillons profonds qui créent un paysage de crêtes acérées et de ravins vertigineux. Ce phénomène naturel, d’une beauté sauvage, isole chaque jour davantage le plateau de tuf volcanique sur lequel repose le village.
La vallée des Calanchi
Autour de Civita s’étend la vallée des Calanchi, un paysage unique modelé par l’érosion hydrique au fil des millénaires. Cette vallée, avec ses formes tourmentées et ses teintes ocres, offre un contraste saisissant avec le vert des collines environnantes. Reconnue pour sa valeur géologique et paysagère exceptionnelle, elle constitue aujourd’hui une réserve naturelle protégée. Les géologues du monde entier viennent y étudier ces formations qui continuent à évoluer rapidement, tandis que les photographes s’émerveillent devant ce décor naturel grandiose qui change constamment selon l’heure et la saison.

L’histoire d’une cité millénaire
Des origines étrusques à la splendeur médiévale
L’histoire de Civita plonge ses racines dans un passé lointain. Fondée il y a plus de 2500 ans par les Étrusques, cette civilisation pré-romaine avait choisi ce site pour sa position défensive naturelle. Les Romains poursuivirent l’occupation du lieu, comme en témoignent certains vestiges architecturaux encore visibles. Toutefois, c’est au Moyen Âge que Civita connut son apogée. Entre le XIIIe et le XVe siècle, le bourg devint un centre prospère et influent, doté d’une administration communale et d’édifices religieux importants.
Le déclin inéluctable
Un terrible tremblement de terre en 1695 marqua le début du déclin de Civita. L’événement sismique détruisit une partie du plateau et de nombreux bâtiments, provoquant un premier exode des habitants vers le voisin Bagnoregio, situé sur un terrain plus stable. L’érosion naturelle, accélérée par ce séisme, n’a jamais cessé depuis, grignotant inexorablement les flancs de la colline. Au fil des siècles, Civita a vu sa population diminuer drastiquement jusqu’à compter aujourd’hui moins de 20 résidents permanents, principalement des personnes âgées attachées à leur terre natale malgré les difficultés quotidiennes.
Renaissance contemporaine
Paradoxalement, c’est son surnom mélancolique de « ville qui meurt » qui a contribué à sa renaissance touristique. Depuis les années 1990, Civita connaît un regain d’intérêt international. Des artistes et artisans s’y sont installés, ouvrant ateliers et boutiques. Des maisons abandonnées ont été restaurées et transformées en restaurants ou hébergements touristiques. Sans perdre son authenticité, le village a su se réinventer, accueillant désormais plusieurs centaines de milliers de visiteurs chaque année, fascinés par sa beauté fragile et son ambiance hors du temps.

Un patrimoine architectural préservé
Porte Santa Maria : la porte du temps
L’accès au village se fait par la monumentale Porte Santa Maria, une arche étrusque taillée dans le tuf, surmontée d’un arc de pierre médiéval. Cette entrée imposante, vestige des anciennes fortifications, marque symboliquement le passage d’un monde à l’autre. Franchir ce seuil, c’est littéralement pénétrer dans un espace hors du temps. La porte est ornée de deux lions en bas-relief écrasant des figures humaines, symboles de la puissance de la cité sur ses ennemis. Ces sculptures médiévales témoignent de l’importance historique de Civita, alors centre politique et économique régional.
Places et ruelles médiévales
La structure urbaine de Civita a conservé intact son caractère médiéval. Un réseau de ruelles étroites et sinueuses, pavées de pierres polies par les siècles, serpente entre les maisons de pierre. Ces passages, parfois si étroits qu’on peut toucher les deux murs en écartant les bras, débouchent sur de petites places intimes bordées de demeures anciennes. La place principale, Piazza San Donato, constitue le cœur battant du village. Entourée de bâtiments historiques aux façades ornées de glycines et de géraniums, elle offre un cadre idéal pour s’imprégner de l’atmosphère unique du lieu, attablé à la terrasse du café local.
Église San Donato et trésors religieux
Dominant la place principale, l’église San Donato représente le centre spirituel de Civita depuis des siècles. Sa façade Renaissance, d’une élégante simplicité, contraste avec la richesse de son intérieur. Reconstruite après le tremblement de terre de 1695, elle abrite plusieurs œuvres d’art précieuses, dont un crucifix en bois du XVe siècle et une fresque attribuée à l’école du Pérugin. Le campanile, rajouté au XVIIIe siècle, offre une silhouette caractéristique au profil du village. Malgré sa petite taille, cette église témoigne de l’importance religieuse qu’avait Civita, qui comptait autrefois plusieurs lieux de culte aujourd’hui disparus.
Maisons nobles et éléments architecturaux uniques
Les demeures historiques de Civita révèlent la prospérité passée du bourg. Plusieurs palais nobles, datant principalement des XVIIe et XVIIIe siècles, présentent des façades élégantes ornées de portails sculptés et de balcons en fer forgé. Une particularité architecturale locale se trouve dans les « profferli », ces escaliers extérieurs doubles qui mènent aux étages supérieurs des habitations. Ces éléments caractéristiques créent un jeu visuel fascinant dans les ruelles. À l’intérieur de certaines demeures, désormais ouvertes aux visiteurs, se cachent caves étrusques, citernes romaines et plafonds à poutres apparentes, témoignant de la stratification historique du lieu.

Expériences inoubliables à Civita
La traversée du pont : un chemin vers l’émerveillement
L’expérience de Civita commence bien avant d’y arriver. Le pont piétonnier moderne qui relie le village au monde extérieur s’étire sur près de 300 mètres, surplombant le paysage lunaire des calanchi. Cette passerelle, construite en 1965 puis régulièrement consolidée, remplace les chemins muletiers d’autrefois, devenus impraticables avec l’érosion. La traversée, qui prend environ 15 minutes en montée, offre des perspectives changeantes sur le village perché. À mesure qu’on s’approche, la vision devient de plus en plus saisissante : les maisons de pierre semblent littéralement fusion
ner avec la falaise qui les porte, comme un prolongement naturel du rocher.
Saveurs et traditions locales
La gastronomie de Civita reflète l’authenticité du territoire environnant. Les quelques restaurants du village proposent une cuisine traditionnelle du Latium, mettant à l’honneur les produits locaux. Les pâtes faites maison, comme les fettuccine au sanglier ou les pici à la sauce tomate et pecorino, constituent des plats emblématiques. L’huile d’olive produite dans les environs immédiats apporte sa saveur fruitée aux préparations. Attablé à une terrasse avec vue sur la vallée, déguster ces mets simples mais savoureux devient une expérience sensorielle complète. Certains restaurants occupent d’anciennes caves étrusques, ajoutant une dimension historique au repas.
Artisanat et boutiques authentiques
Contrairement à de nombreux villages touristiques, Civita a su préserver son authenticité commerciale. Les quelques boutiques présentes proposent principalement des produits artisanaux locaux : céramiques décorées à la main, huiles essentielles à base de plantes du terroir, textiles tissés selon des méthodes traditionnelles. Un atelier de potier perpétue des techniques ancestrales, créant des pièces uniques inspirées des motifs étrusques. Ces échoppes, souvent tenues par des artisans passionnés, offrent une alternative rafraîchissante aux souvenirs standardisés. Chaque objet raconte une histoire et constitue un lien tangible avec ce lieu extraordinaire.
Festivals et événements culturels
Malgré sa petite taille, Civita accueille plusieurs événements culturels qui animent le village tout au long de l’année. Le plus spectaculaire reste sans doute la « Tonna », une course dans laquelle des participants descendent les ruelles étroites en poussant des tonneaux de bois. Cette tradition séculaire, qui se déroule deux fois par an, attire des spectateurs du monde entier. Le festival des lanternes en été transforme le village en un océan de lumières douces, créant une atmosphère féerique. Des expositions d’art contemporain investissent régulièrement les espaces historiques, créant un dialogue fascinant entre patrimoine et création moderne.

Conseils pratiques pour une visite réussie
Pour profiter pleinement de la magie de Civita, quelques recommandations s’imposent. L’entrée au village est désormais payante (environ 5 euros), une contribution essentielle aux travaux de consolidation qui permettent de lutter contre l’érosion. Ces fonds financent également l’entretien du pont et des infrastructures touristiques. Des chaussures confortables s’avèrent indispensables pour la traversée du pont et l’exploration des ruelles pavées à fort dénivelé.
Les périodes idéales pour visiter sont le printemps et l’automne, lorsque les températures sont douces et la foule moins dense. La lumière dorée du matin ou du coucher de soleil sublime les tons ocres de la pierre et des calanchi, offrant des opportunités photographiques exceptionnelles. Pour ceux souhaitant prolonger l’expérience, quelques chambres d’hôtes permettent de passer la nuit dans le village. Cette option unique donne l’occasion de vivre Civita après le départ des visiteurs journaliers, quand le silence et la sérénité reprennent leurs droits.
Civita di Bagnoregio incarne parfaitement le concept de beauté fragile. Sa précarité même, cette érosion inéluctable qui menace son existence, contribue paradoxalement à son charme envoûtant. Visiter ce lieu, c’est prendre conscience de l’impermanence des œuvres humaines face aux forces de la nature, tout en célébrant la résilience et l’ingéniosité avec lesquelles les hommes ont su s’adapter à un environnement hostile. Dans un monde de plus en plus standardisé, Civita reste une anomalie précieuse, un témoignage émouvant de notre rapport au temps, à l’espace et à la mémoire collective.
